top of page

Le portage, un outil magique contre les pleurs du nourrisson?

Pleurs du nourrisson et coliques

 

Dans les sociétés occidentales, 10 à 30 % des nourrissons de moins de quatre mois pleurent de manière excessive ou prolongée. La quantité moyenne d’agitation et de pleurs a tendance à augmenter à partir de la deuxième semaine de vie, elle culmine au cours du deuxième mois, généralement entre six et huit semaines puis elle diminue et se stabilise vers l’âge de quatre / cinq mois. Cette caractéristique liée à l’âge est généralement désignée comme la « courbe normale des pleurs ». Les pleurs prédominent en fin d’après-midi et dans la soirée et cette prépondérance est encore plus marquée au moment du pic au cours du deuxième mois. Les crises de pleurs sont souvent inopinées et imprévisibles, difficiles à apaiser et parfois même inconsolables.

 

Ces pleurs sont une source de préoccupation importante pour les parents et un des principaux motifs de consultations pendant les premiers mois de vie de l’enfant. Les pleurs inexpliqués, excessifs ou prolongés sont généralement désignés par le terme de «coliques». Dans les années cinquante, la «colique infantile» a été définie arbitrairement par «la règle des trois»: le bébé pleure ou s’agite plus de trois heures par jour, pendant plus de trois jours par semaine et pendant plus de trois semaines.

Ces critères suggèrent un caractère pathologique et douloureux alors que la grande majorité des nourrissons qui pleurent ou ont des «coliques» n’ont aucune pathologie. Même si les pleurs peuvent être l’expression de nombreuses maladies, les causes pathologiques n’expliquent qu’une très faible minorité des pleurs (moins de 5 %).

Les pleurs des premiers mois de vie sont dans la très grande majorité des cas plutôt révélateurs d’une trajectoire développementale normale que d’un problème chez le nourrisson ou chez les personnes qui s’en occupent. Ils traduisent sans doute l’organisation des états comportementaux du nourrisson, et ses besoins (fatigue, inconfort, ennui, faim etc.).

 

 "Ne porte pas trop ton bébé, tu vas mal l'habituer!"

Et si c'était tout le contraire?

 

Une étude américaine a montré que le portage réduisait les pleurs du nourrisson de 43% la journée et 51% la nuit.


Dans les pays occidentaux, la séparation précoce et le contrôle des pleurs et du sommeil du bébé sont une injonction sociale communément admise comme préalable indispensable à l’autonomie. On demande au bébé d’apprendre à dormir seul, dans son lit, dans sa chambre, à se consoler seul et on conseille encore trop souvent aux parents de ne pas intervenir trop vite ou d’ignorer les pleurs, de ne pas nourrir leur bébé trop souvent ce qui réduit encore le temps de contact entre l’adulte et le bébé. Même quand les enfants sont allaités, les mères sont incitées à espacer les tétées et à donner le sein selon un schéma horaire similaire à celui des enfants nourris au biberon. Alors certes, la prise en compte des besoins des nourrissons a beaucoup évolué depuis quelques années mais le besoin de mettre le nourrisson à distance et de contrôler ses pleurs et son sommeil reste encore très prégnant dans nos sociétés.

En réalité la séparation précoce ne conduit pas vers l’autonomie mais vers la peur de l’abandon et la dépendance relationnelle, ce qui tend à favoriser les pleurs. Plusieurs études mettent en évidence que la durée des pleurs est bien moindre quand les pratiques de soins favorisent la proximité adulte-bébé. Les cultures qui pratiquent le maternage de proximité (portage, massage, sommeil partagé, allaitement à la demande, etc) ne connaissent pas les fameuses crises de pleurs prolongés.

 

Dans une étude réalisée en Corée du Sud, le chercheur Keun Lee ne retrouve aucun enfant qui puisse être étiqueté comme ayant des coliques. A  l’âge d’un mois, le temps passé seul pour ces bébés coréens est de 8,3  %, ce qui contraste fortement avec le chiffre de 67,5% mesuré chez des enfants nord-américains.

L’attitude des mères vis à vis des pleurs est très différente puisque les mères coréennes répondent à la plupart des épisodes de pleurs comparativement à un échantillon de mères américaines qui pendant les trois premiers mois ne répondent délibérément qu’à 46% de ces épisodes.

 

Une immersion dans le peuple Kung San du Kalahari a permis d’observer que les bébés - portés verticalement pendant plus de 80% du temps et allaités à la demande - pleurent de façon extrêmement brève (moins de 30 secondes) pour plus de 90% des événements.

Étant donné que l’enfant est à proximité immédiate de sa mère la plus grande partie du temps, celle-ci détecte très précocement le moindre signe subtil d’inconfort et y répond rapidement avant que des pleurs soutenus n’aient le temps de se manifester.

 

Dans un essai randomisé, des chercheurs ont proposé à des mères occidentales de tenir et de porter leur bébé deux à trois heures par jour en plus des périodes de contact liées à l’allaitement ou à l’apaisement. Comparativement au groupe contrôle, la fréquence des épisodes de pleurs était identique mais la durée de chaque épisode de pleurs réduite de 43 % chez les enfants bénéficiant de deux heures de portage supplémentaire. Par contre cette stratégie est inefficace quand elle est proposée alors que l’enfant pleure déjà beaucoup.

 

Les bienfaits du portage

 

• Le portage assure une plus grande proximité entre le parent et le bébé, ce qui lui procure un sentiment de sécurité. Le portage permet également à l’adulte de se rendre compte rapidement des contrariétés du bébé et d’y répondre avant que ses pleurs ne deviennent plus intenses.

 

• La proximité avec le parent pendant le portage agirait comme une barrière contre les stimulations extérieures. Cela aiderait le bébé à mieux contrôler son système nerveux et aiderait donc au sommeil. Des chercheurs ont remarqué que le fait d’être porté diminuait les mouvements involontaires et le rythme cardiaque chez l’enfant.

 

• La position verticale de l’enfant favorise les rots et facilite la digestion.

 

• La position naturelle du nouveau-né est la position enroulée, avec la colonne arrondie « en C ». C’est dans cette position qu’il était positionné dans l’utérus, et c’est la position naturelle qu’il prend lorsqu’on le blottit contre soi. Petit à petit, sa posture va évoluer vers un « S ». Mais cela prend du temps, le « S » ne sera acquis que lorsque l’enfant se mettra debout. En attendant, le nouveau-né se sent mieux et dort mieux dans la posture en C que favorise l’écharpe de portage.

 

• Lorsque le portage est physiologique, il permet un bon positionnement des hanches. Les cultures qui portent beaucoup leur bébé ont d’ailleurs un très faible taux de malformation des hanches. Le portage contribue également au développement des muscles du cou et des dorsaux ainsi qu’au développement du sens de l’équilibre.

 

Et maintenant, on fait quoi ?

 

Bien sûr, mettre en place un maternage proximal n’est pas chose facile dans nos sociétés occidentales du fait de nos rythmes de vie et des contraintes liées à la vie professionnelle, mais il est quand même important de retenir de ces études et observations que les parents n'ont pas à avoir peur de TROP porter leur bébé, de lui parler, de le bercer... Et ils doivent être rassurés sur le fait que répondre sans délai à ses pleurs ou contrariétés ne lui donnera PAS de mauvaises habitudes.

 

 Sources : Dr Gisèle Gremmo-Feger (CHU de Brest), Site Naître et Grandir.


Le portage et les pleurs du nourrisson
Photo Gregory Escande

bottom of page